personne ne t’avait dit

que le ciel n’existe qu’un temps

et qu’il faudrait un jour que tu prennes sa place
pour que l’air revienne habiter nos poumons

personne ne t’avait dit
que l’eau se boit à même le sang
qu’il existe un chemin entre nos deux yeux
qu’il est douloureux de

t’extraire du feu et de la roche quand tu es née volcan

et que deux océans trouvent refuge en toi

personne
ne t’avait dit que l’éphémère
est un privilège que tout le monde n’a pas

que tu serais la seule qui recommencerait

la
seule

à savoir de quelle aube sont faits les crépuscules

Andréa Thominot
inédit in Là où dansent les éphémères 108 poètes d’aujourd’hui
Éditions Le Castor Astral

Grand merci cher Dominique A. « néo retraité heureux et facteur poétique actif »

il n’y a pas lieu

de craindre ceux
qui insultent notre insoumission,
les vaincus auront toujours
le dernier mot

j’habite un invisible
qui n’a ni salle de bain ni entrée.
l’invisible n’a pas de propriétaire.
le rêve n’a jamais de murs,
et il n’y fait jamais froid

et mes ombres s’allongent
sur mon corps quand il dort,
et le ciel cesse d’être bleu,
et la lumière attend

nous n’avons pas de grandes actrices
dans nos petites épiceries
et nos hommes exportés par la faim
se pressent dans l’acier de l’hiver

je ne suis pas un fantôme
longeant le fleuve étranger,
ni léopard ou chouette.
je suis un courant d’air

si on écrit,
c’est qu’on ne peut pas chanter,
si on dort,
c’est qu’on ne peut pas vivre

la plupart du temps,
la mémoire ne sert à rien :
les hôtels où j’ai attendu
ont disparu

Etel Adnan, Fil du temps, Éditions Galerie Lelong & Co

Re-merci Dominique A. pour cet autre partage !

J’ai prié les sorciers

de prendre soin de moi
Alors ils m’emmenèrent.
J’étais
Mon rire
Doux
Ma nudité
Bleue
Et mon péché
Timide.
Je volais sur une plume d’oiseau
et devenais oreiller à l’heure du délire.
Ils couvrirent mon corps d’amulettes
Et enduisirent mon cœur du miel de la folie.
Ils gardèrent mes trésors
et les voleurs de mes trésors
M’apportèrent des fruits et des histoires
Et me préparèrent pour vivre sans racines.
Et depuis ce temps-là je m’en vais.
Je me réincarne dans le nuage de chaque nuit et je voyage.
Je suis la seule à me dire adieu
Et la seule à m’accueillir.

Joumana HaddadInvitation à un dîner secret, Éditions An Nahar

Merci Dominique A. pour ce partage !

J’adhère

au chant du berger solitaire
qui use du bois de son propre corps
pour alimenter le feu créateur

J’adhère au voyou à l’oeil louche
qui jette son mégot contre une meule de
paille pour griller l’antre du métayer

J’adhère à la chute des eaux supérieures
qui lavent notre crasse et fait
des vierges avec des putains épuisées

J’adhère au feu à l’eau au sang
quelle que soient leurs sources
et leurs embouchures

J’adhère à l’élément trouvé
pour faire la soudure
dans les mines de la nature.

Angèle Vannier, Choix de poèmes, Éditions Seghers

Je suis du côté

des ratures et des gros mots
des matins
des cendres
des bourrasques
des couples de corbeaux
Je suis du côté
des fausses notes
des timides
du brouillard
des anachorètes
des fraises sauvages
Je suis du côté
des cabanes
des cailloux
des casse-cou
des bancales
de ceux qui glanent dans le ciel
des chaussettes trouées de rosée
Je suis du côté
des lettres ratées
des instants perdus
des abeilles

Thomas VinauUn pas de côté, Éditions Pointe Sarène

Me retirer

comme bon me semble,
ouvrir les yeux, écouter et savourer l’instant
accueillir l’inconnu
résister à l’insupportable illusion, sanglante fausse-semblante
à l’attente inconsciente de l’autre bien (mal) pensant(e),
aux analyses stériles enfermantes
aux filtres, projections, étroitesses des croyants me comprendre
aux harpons acérés m’utilisant comme support-inspiration
juste ÊTRE avec mon cœur, libre, charmeur, rieur, farceur :-)))