j’aimerais qu’on écrive un poème
avec nos deux mains gauches
un qui tiendrait sur une page
ou sur une patte comme un oiseau vif
prêt à en découdre avec le ciel
il n’aurait pas un mot plus haut que l’autre
ça serait un poème à mettre l’eau à la bouche
des derniers-nés et des anciens
qui ont voyagé longtemps avant de goûter le sel de la vie
un poème qu’on pourrait dévorer sans dents ni colère
juste avec les yeux et la patience des bêtes
un poème qui aurait traversé tous les âges
et les pierres et l’humus et la terre harassée
un poème de tous les vents
un poème qui aurait pris sur lui la fatigue et l’effroi
qui se présenterait à nous avec ses haillons de mots
un poème à vêtir
car on ne laisse pas un poème mourir de froid
il faut lui redonner du sang à battre
des coups de langue, le nourrir de racines
obsitere, fraternitas, mare nostrum
qui ont passé frontières et nocturne humain
un poème pour nous désaltérer le cœur
Paola Pigani, 15 – Service d’Aide aux Mots Universels,
Éditions Bruno Doucey
Partage de Dominique A, heureux facteur poétique 🙂