[Nous ne sommes personne]

Nous sommes à peine celui que nous connaissons.
Il y a tellement d’infini derrière celui que nous ne connaissons pas.
Nous sommes d’avant les étoiles, le néant, et nous y retournerons.
Le grand cirque de l’enfance ou de la prise de pouvoir sur les autres
ne nous étourdira jamais assez pour oublier.
Quand les enfants croisent un étranger, ils lui parlent
comme à une grande personne, un être précieux.
Avec les mains, les yeux.
Comme ils parlent aussi aux arbres, aux peluches, aux oiseaux.
Avec le sérieux du premier et du dernier jour.
Ils savent que la vie éternelle tourne en boucle
comme une folle dans leur sang
et que tout se transforme sans cesse
pour danser parmi nous.
Il faut se souvenir de notre première venue ici
comme d’un tremblement dans le feuillage d’un arbre.
Nous sommes tous des réfugiés en fuite
en quête de quelque chose.
[…]
Nous sommes tous des réfugiés
et nous écrivons une histoire prévue pour s’effacer.
Tomber en poussière dans la poussière du monde.
Et ce n’est pas rien cette disparition.
C’est le pollen des fleurs. Le soleil dans les yeux de la mouche.
La flaque bousculée par les pneus du camion.
C’est une histoire cet effacement, c’est la nôtre.

Dominique Sampiero/ Germain Roesz,
Huit millions et demi de roses piétinées au Levant, Éditions Les Lieux-Dits
Partage de Dominique A, heureux facteur poétique.

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