J’adhère

au chant du berger solitaire
qui use du bois de son propre corps
pour alimenter le feu créateur

J’adhère au voyou à l’oeil louche
qui jette son mégot contre une meule de
paille pour griller l’antre du métayer

J’adhère à la chute des eaux supérieures
qui lavent notre crasse et fait
des vierges avec des putains épuisées

J’adhère au feu à l’eau au sang
quelle que soient leurs sources
et leurs embouchures

J’adhère à l’élément trouvé
pour faire la soudure
dans les mines de la nature.

Angèle Vannier, Choix de poèmes, Éditions Seghers

Je suis du côté

des ratures et des gros mots
des matins
des cendres
des bourrasques
des couples de corbeaux
Je suis du côté
des fausses notes
des timides
du brouillard
des anachorètes
des fraises sauvages
Je suis du côté
des cabanes
des cailloux
des casse-cou
des bancales
de ceux qui glanent dans le ciel
des chaussettes trouées de rosée
Je suis du côté
des lettres ratées
des instants perdus
des abeilles

Thomas VinauUn pas de côté, Éditions Pointe Sarène

Me retirer

comme bon me semble,
ouvrir les yeux, écouter et savourer l’instant
accueillir l’inconnu
résister à l’insupportable illusion, sanglante fausse-semblante
à l’attente inconsciente de l’autre bien (mal) pensant(e),
aux analyses stériles enfermantes
aux filtres, projections, étroitesses des croyants me comprendre
aux harpons acérés m’utilisant comme support-inspiration
juste ÊTRE avec mon cœur, libre, charmeur, rieur, farceur :-)))

Un poème parfois,

ce n’est pas grand-chose.
Un insecte sur ta peau dont tu écoutes la musique des pattes.
La sirène d’un bateau suivie par des oiseaux, ou un pli de vagues. Un arbre un peu tordu qui parle pourtant du soleil.
Ou souviens-toi, ces mots tracés sur un mur de ta rue :
« Sois libre et ne te tais pas ! ».
Un poème parfois, ce n’est pas grand-chose.
Pas une longue chanson, mais assez de musique pour partir
en promenade ou sur une étoile,
à vue de rêve ou de passant.
C’est un aller qui part sans son retour
pour voir de quoi le monde est fait.
C’est le sourire des inconnus
au coin d’une heure, d’une avenue.
Au fond, un poème, c’est souvent ça,
de simples regards, des mouvements de lèvres,
la façon dont tu peux caresser une aile, une peau, une carapace, dont tu salues encore ce bateau qui ouvre à peine les yeux,
dont tu peux tendre une main ou une banderole,
et aussi la manière dont tu te diras :
« Courage ! Sur le chemin que j’ai choisi, j’y vais, j’y suis ! ».
Un poème, à la fois, ce n’est pas grand-chose
et tout l’univers.

Carl Norac, inédit pour le printemps des poètes