Ouvrez les yeux

tournez autour
des yeux d’autrui
des feux de joie
d’amour ou de mélancolie
des jeux d’autrui
des feux de bois
des yeux des roses
des iris au bord des étangs
de rage ou de divination
des yeux des choses
du bois d’autrui
des feux d’iris
des yeux des murs
des jeux des rois
ouvrez les bois
tournez autour
des feux d’autrui
de leurs étangs
de rage ou de mélancolie
plongez au fond
des yeux des roses
iris d’autrui
feux des étangs
ouvrez les murs
autour des yeux
d’amour ou de divination
réchauffez-vous
éclairez-vous
enivrez-vous
aux rois des jeux
aux feux des choses

Michel ButorL’horticulteur itinérant, Éditions Léo Scheer

À tous ceux

qui très loin sont captifs
Dans le silence ; aux âmes enchaînées
Par la longueur des muettes années
En nul ne sait quels abîmes plaintifs ;
À ceux dont l’ombre a tant de murs sur elle
Qu’ils n’ont jamais pu donner de nouvelle
De leur nuit noire aux gens qui sont dehors ;
Ceux pleins d’appels dont nulle voix ne sort,
Dont le secret cherche un mot qui l’emporte ;
Ceux dont le cœur bat sans trouver de porte,
À tous ceux-là – je ne sais pas combien –
Je viens. Je suis petit oiseau, je viens.
Je viens, je suis moucheron, un rien frêle.
Une aile. Et j’ouvre et je donne mon aile
Pour alléger leur épaule et mon chant
Pour délivrer mon âme à travers champs. […]

Marie NoëlChants de la merci, Gallimard
… de la part de Dominique A., Chronique Juste un poème